Ces derniers mois, on a tout entendu sur les Ehpad et sur l’accompagnement des personnes âgées… Vos grands-parents, vos parents, vous-même peut-être. Aujourd’hui, 600 000 personnes vivent en Ehpad, établissements qui ne constituent qu’une réponse parmi d’autres dispositifs d’aide aux aînés : résidences autonomie, résidences séniors, services à domicile… Plus de 1,5 million de Français ont plus de 85 ans. Ils seront 5 millions en 2050.
Alors que débute un nouveau quinquennat, nous, directeurs d’établissements et services pour personnes âgées adhérents de la FNADEPA, alertons sur le risque de faillite de l’accompagnement du Grand âge et appelons l’État à mettre enfin en œuvre une politique adaptée.
Nous faisons face à une pénurie de personnel d’une ampleur inédite, dans le secteur public comme privé. Nous n’arrivons plus à recruter. Tous les postes sont touchés : aides-soignants, infirmiers, médecins mais aussi aide à domicile, agents de service, animateurs, cuisiniers, comptables, et même directeurs.
L’absence de valorisation des métiers et les conditions de travail rendues difficiles par les sous-effectifs chroniques font fuir les possibles prétendants. Notre secteur se précarise, nos métiers se déshumanisent et les personnes âgées en pâtissent. Alors que leurs besoins en accompagnement et en soin s’accroissent, en Ehpad, il y a en moyenne 6,3 personnels – tous postes confondus – pour 10 résidents. Une honte alors qu’il y a 10 professionnels pour 10 résidents au Danemark.
Or un tsunami démographique est à nos portes avec l’arrivée dès 2026 des premiers baby-boomers de plus de 80 ans. D’après les projections, nous devrons recruter plus de 350 000 professionnels d’ici 2030… Avec une baguette magique ?
Comme l’ensemble du système de santé, notre secteur se dégrade et avec lui, l’accompagnement de nos aînés. À bas bruit. Malgré l’engagement incroyable des professionnels et l’ingéniosité de tous.
Déjà, de nombreux Ehpad ferment des lits par manque de personnels. Déjà, certains de nos aînés bénéficient de moins d’heures d’accompagnement à domicile aujourd’hui qu’il y a 15 ans. Une aberration alors que les Français veulent rester chez eux le plus longtemps possible et que les pouvoirs publics encouragent ce virage domiciliaire.
L’État aux abonnés absents
Cette situation, personne et encore moins l’État ne peut l’ignorer. Depuis plus de 15 ans, les gouvernements ont systématiquement repoussé la réforme du Grand âge qu’ils avaient promise. Depuis 2018, des grèves et une dizaine de rapports l’ont dénoncé.
Malgré cela, les pouvoirs publics (État et départements) continuent de voter des budgets insuffisants. Insuffisants pour augmenter le nombre de professionnels à hauteur des besoins réels, insuffisants pour faire face à l’inflation. Insuffisants pour que le système ne faillisse pas.
Pourquoi un tel sort ? Les personnes âgées sont-elles à ce point déconsidérées par notre société ?
Même la Cour des comptes, habituellement économe, recommande d’augmenter les dépenses et les investissements pour le secteur et d’engager des réformes structurelles ! Et pourtant, face aux récents scandales, l’État ne propose que des contrôles et aucun moyen nouveau.
Pourtant, l’État est totalement responsable. Responsable d’inertie depuis des années. Responsable de reléguer systématiquement le Grand âge au dernier rang des priorités. Responsable de négliger les besoins réels de ses citoyens âgés. Responsable d’occulter le vieillissement de sa population.
Si l’État ne réagit pas urgemment, nous devrons faire des choix : moins de personnel, moins de qualité de prestation, moins d’accompagnement. Ces choix-là, nous refusons de les faire. Aux pouvoirs publics d’agir !
Nous ne voulons pas d’un énième rapport, de mesures dispersées.
Nous voulons avoir les moyens de garantir un accompagnement juste et de qualité.
Nous voulons pouvoir recruter 30 % de personnels en plus, former des professionnels qualifiés.
Nous voulons une refonte globale de l’accompagnement du Grand âge, une simplification des financements et du pilotage, un plan massif de prévention de la perte d’autonomie.
Nous voulons une loi Grand âge et Autonomie.
Il s’agit d’un choix politique, financier mais avant tout sociétal. Quel accompagnement voulons-nous ? Pourquoi la vieillesse mériterait-elle moins d’égard et d’investissement que la jeunesse ? On n’a jamais vu de manifestation de « gilets gris ». Pas encore…