Manifestations nationales

17e Colloque national | Discours d’ouverture, Jean-Pierre Riso, président de la FNADEPA

Publié le 21 janvier 2025

Discours d’ouverture clôture de Jean-Pierre Riso, président de la FNADEPA, durant le 17e Colloque national de la FNADEPA consacré aux politiques vieillesse qui s’est tenu le 21 janvier à Paris.
Seul le prononcé fait foi

Mesdames et messieurs les sénateurs et députés,

Mesdames et messieurs les représentants des fédérations du secteur,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Soyez les bienvenus au 17e colloque national de la FNADEPA ! Comme de coutume, il me revient le plaisir de vous accueillir, que ce soit ici à Paris ou à distance devant vos écrans. D’ores et déjà, je vous remercie de votre participation fidèle à ce grand rendez-vous politique. 

Cette année, notre colloque s’inscrit dans une période bien particulière. Atypique et paradoxale par ses rebondissements et périodes d’attentisme, d’incertitudes et d’espoirs… En résumant : plus forte que Netflix et Canal + réunis ! Nous pourrions nous en amuser ou admirer l’agilité des scénaristes à trouver autant de « twists » si cela ne prêtait pas à conséquence sur tous les pans de notre Nation et notre secteur en particulier.

 « Ouvrez vos bras aux changements, mais ne laissez pas s’envoler les valeurs » a dit le Dalaï-Lama. En ces temps troubles, la solution ne serait-elle pas à rechercher dans les fondements de notre République ? « Liberté, Égalité, Fraternité » peut-on lire sur les frontons de nos édifices publics. Trois valeurs que les professionnels du Grand âge, mais aussi les aidants, les bénévoles, et tous les acteurs du secteur font vivre au quotidien dans les établissements et services pour personnes âgées. Et pour une raison toute simple : l’accompagnement du Grand âge est l’une des manifestations les plus concrètes des valeurs humanistes, fraternelles et universelles de notre pays, de cette Concorde républicaine qui nous unit. 

Et celle-ci est nourrie par une conviction profonde. Que dis-je une conviction ? Un savoir. A la FNADEPA, nous savons que le vieillissement est une chance. Une chance pour chaque individu, mais aussi pour notre Nation. Une chance pour renforcer la solidarité entre les générations et construire une société plus inclusive et solidaire ; une chance économique, ne serait-ce que par les milliers d’emplois non délocalisables qu’offre notre secteur ; une chance également technologique, médicale, environnementale… Mais je sais que je n’ai pas à vous convaincre. Ni vous ni aucun des parlementaires, grands administrateurs et institutionnels que nous rencontrons tout au long de l’année et qui partagent largement notre vision collective. Quel paradoxe ! Car, alors… Qu’attendent ces grands décideurs pour se saisir collectivement des enjeux du vieillissement ? Qu’attendent-ils pour intégrer le bouleversement que va connaitre notre pays — comme bien d’autres — avec l’arrivée de la vague grise des papy-boomers ? D’ici 2030, en une décennie, le nombre des « 75 – 84 ans » aura augmenté de 48 %, entrainant des changements jusqu’aux petites choses du quotidien. Un exemple très concret : en Allemagne, la vitesse des escalators a déjà été réduite de 15 % pour faciliter la vie des citoyens. C’est si simple et tellement adapté à la population.

Ce n’est pas faute de rappeler l’urgence, année après année, mois après mois, jour après jour. Le 24 septembre dernier, nous étions 18 organisations nationales et plus de 40 000 personnes à clamer que « Les Vieux méritent mieux ! ». Sans parler des multiples rapports, articles, tribunes sur ce sujet… 

 

Mesdames et messieurs,

Tous les jours, il est demandé aux professionnels du Grand âge d’accompagner nos concitoyens âgés le mieux possible, malgré des moyens contraints — j’y reviendrai. Et ils assument cette responsabilité sociale, avec un engagement et une inventivité incroyables, nourrissant ainsi cette Concorde républicaine dont je parlais il y a quelques minutes. Alors, je m’adresse aux membres du Gouvernement et aux parlementaires, aux hauts fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales : à NOTRE tour de VOUS demander d’assumer vos responsabilités envers la Nation et de trouver des compromis, des cohérences, des voies de réussite autour des grands sujets qui concernent nos concitoyens. Et nous sommes nombreux à penser que le Grand âge est de ceux-là !

Car oui, le défi est immense et appelle à l’engagement massif de l’État. Il ne suffit pas de préparer à « vieillir » mais à « bien vieillir ». Pour que les planètes s’alignent enfin — vous le savez, car nous n’avons de cesse de les réclamer — il faut deux éléments essentiels, l’un n’allant pas sans l’autre : une réforme structurelle et des financements solides et pérennes, estimés à 12 milliards d’euros. Un montant non négligeable, mais indispensable. Où puiser cette manne en cette période de déficit public ? Plusieurs pistes sont en effet sur la table : 2e journée de solidarité (comme l’évoquait encore en septembre dernier un rapport du Sénat), création d’un système d’assurance obligatoire dépendance, contribution des entreprises, … Il n’appartient pas à la FNADEPA de se prononcer en faveur d’une en particulier. La solution ne pourra être que protéiforme, reposant sur un principe directeur de solidarité nationale. Aux politiques, là aussi, de trancher. Et vite, car il s’agit de la clé de voute de la réforme structurelle que nous réclamons tous. Jusqu’au législateur qui en a inscrit, dans la loi « Bien vieillir » du 8 avril 2024, le principe au travers d’une loi de programmation jusqu’ici hélas désespérément « oubliée ».

Cette réforme structurelle, que nous avons si souvent évoquée ici, devra poser les fondements d’une gouvernance clarifiée et cohérente partout sur le territoire national et devra avoir pour mot d’ordre simplification

Nous pourrions nous dire que la dissolution et les changements ministériels ont pu repousser son inscription à l’agenda parlementaire. Je sais que le rose est l’une des couleurs phares de la Fnadepa et j’aime aussi voir la vie en rose, en grand optimiste, mais les quelques allusions du Premier Ministre sur le sujet restent notablement insuffisantes à nous convaincre. Il a en effet, je cite, appelé à « avancer sur la question du grand âge » avec pour objectif de « permettre aux personnes de bien vieillir et d’avoir le choix de leur domicile ». Il a enfin encouragé l’ouverture du dialogue entre les parlementaires et les départements. Peu, vraiment trop peu !

 

Mes chers amis,

J’interpellais tout à l’heure nos élus sur leurs responsabilités ; j’en appelle aussi à nos grandes administrations. « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » est, je sais, un réflexe assez français. Arrêtons ça ! Nos métiers de directeurs croulent sous les normes, les enquêtes redondantes et les outils inadaptés à notre réalité, y compris les tout nouveaux comme les tableaux de bord de la performance appliqués au domicile depuis mai dernier… Sans parler, plus globalement, des dispositifs d’accompagnement et de coordination qui constituent un millefeuille administratif incompréhensible pour nos ainés ! Chaque directeur dans cette salle a, j’en suis certain, des exemples en tête qui ternissent son quotidien. Certes votre sens des responsabilités est immense, mais je ne parierais pas sur votre résistance infinie face à des contraintes contreproductives et « mangeuses de sens ».    

Simplifions donc, en termes de visibilité, de parcours et de réponse aux personnes… en un mot transformons l’offre d’accompagnement, en la fondant sur une gouvernance claire et des financements solides et ce, au bénéfice des principaux intéressés : nos Vieux ! 

À l’instar du vieillissement de notre population, cette transformation a, heureusement, déjà commencé. Une partie grâce à des réformes nationales déjà lancées, votées ou écrites ; une partie grâce à des actions du terrain, semblables à ces petits ruisseaux qui font les grandes rivières… J’y reviendrai plus tard.  

En parlant de réformes structurantes, je dois d’abord vous partager une désillusion. Celle de la réforme des services autonomie à domicile. Elle était conçue pour rendre plus lisible l’accompagnement des personnes et améliorer la coordination entre l’aide et le soin. Sur le papier, la réforme était belle. Et nous y avons cru en participant à sa construction ! Mise en application, la réalité est tout autre. La complexité tant juridique que territoriale et financière n’aboutit qu’à une « réforme d’institutions » à leur corps défendant. D’accord, il y aura sans doute quelques succès çà et là, mais combien d’échecs à côté ? Nos adhérents du secteur du domicile — et j’en fais partie — aboutissent à un constat assez fataliste : en l’état, cette réforme n’apportera rien de positif, ni pour les services et ni pour les citoyens. Un comble ! Et comme il n’est jamais trop tard pour revoir la copie, la FNADEPA continuera de demander avec force une adaptation de la réforme.

A ce cri d’alerte vient s’ajouter l’incertitude liée à la fusion des tarifs soins et dépendance des EHPAD, qui amorcerait une clarification des rôles entre ARS et départements. Ce 1er janvier, 23 départements auraient dû expérimenter le forfait global unique, et ce, pour 2 ans, comme nous l’avions proposé au lieu des 4 ans initialement prévus. Sauf qu’aujourd’hui, nous sommes dans un grand flou ! Sans loi de finances ni loi de financement de la sécurité sociale qui devaient finaliser les conditions budgétaires, le lancement est reporté… Nous l’espérons à une échéance la plus courte possible et selon les modalités obtenues en novembre dernier. Soyez assurés que nous allons suivre avec la plus grande attention l’examen du futur PLFSS qui débute au Sénat !

Enfin, pour apporter une note plus optimiste, j’exprimerai une double espérance.

D’abord dans l’action engagée auprès des résidences-autonomie par la CNSA, la CNAV et les départements, action qui a permis la rénovation et l’équipement de près de 26 000 logements et vise, pour 2026, la création de 7 000 places. Une dynamique timide au regard des besoins et qui doit s’amplifier comme nous l’avons réclamé dans notre Plaidoyer pour les résidences autonomie paru en 2023. Mais elle marque une volonté de préserver et de valoriser ces structures essentielles, qui se distinguent, dans la jungle actuelle des habitats inclusifs, par leur vocation sociale et leur rôle majeur dans le maintien de l’autonomie de nos concitoyens.

L’autre espoir se situe dans la mise en place du service public départemental de l’autonomie. Comme beaucoup, nous aurions aimé disposer d’un bilan de l’expérimentation menée l’année dernière, mais gageons que leur généralisation, dès ce 1er janvier, sera couronnée de succès. La FNADEPA place beaucoup d’espoirs dans la réussite de ce guichet unique qui aurait déjà fait émerger de nouvelles dynamiques dans les territoires préfigurateurs. Pour la FNADEPA, les clés de la réussite tiennent en 3 éléments : une stratégie partagée par toutes les parties prenantes, une organisation intégrée des acteurs et un pilote unique et clairement identifié pour guider les politiques publiques jusqu’aux citoyens. Loin d’être une énième couche ajoutée au déjà bien indigeste millefeuille administratif, le SDPA, lieu d’élaboration de politiques publiques co-construites, remplira alors pleinement son rôle d’information, d’orientation et de coordination efficientes au bénéfice de nos concitoyens vulnérables, et ce, partout sur les territoires de la République.

Nous, on y croit ! Tout comme nous croyons à la dynamique de transformation du modèle à partir du terrain, de vos établissements et services. Les changements sont sans doute moins visibles et plus dispersés, mais ils sont indéniables et bien plus nombreux qu’on le pense.

Mesdames et messieurs,

J’ai la chance, en tant que président d’une fédération regroupant 1 600 adhérents, d’aller très souvent à leur rencontre. Laissez-moi vous faire part de mon admiration devant toutes les initiatives menées pour améliorer la qualité de vie de nos Vieux et les conditions de travail des professionnels. A votre échelle, avec courage, imagination et une grosse dose de ténacité, vous participez déjà à transformer en profondeur nos établissements et services. Et c’est heureux, car nos Vieux d’aujourd’hui ne sont pas ceux de demain ! Le passage actuel de la génération silencieuse, née avant 1945, à celle des baby-boomers et bientôt, à la génération X, va radicalement modifier le profil, les attentes et les habitudes des seniors. Je sais, on parle souvent de la transformation de l’EHPAD vers un lieu de vie mieux intégré dans les territoires et dans la cité, une plateforme territoriale de services, un réel « chez-soi » personnalisé et sécurisant, une organisation adaptée aux résidents, une intégration dans un parcours de vie global dont les services à domicile et les résidences-autonomie sont les compléments incontournables. Ces transformations — ou plutôt ces évolutions constantes, des directeurs les ont déjà pensées ! L’EHPAD est déjà ouvert. Il est déjà inclusif. Il est déjà tourné vers la culture, le sport, les loisirs, l’exercice de la citoyenneté…

Quels meilleurs exemples pourrais-je citer que la réalisation de ce rap et son clip vidéo coécrit par des résidents et des ex-prisonniers dans un EHPAD à Montpellier ; le logement d’étudiants dans des EHPAD à Marseille et Brest ; l’implantation de micro-crèches dans un établissement à Bordeaux ; l’ouverture des bâtiments à des trails urbains à Rennes et à Nîmes ; l’organisation d’olympiades avec les résidents, les professionnels, les familles — et il y en a eu beaucoup en cette année olympique et paralympique, à l’échelle d’un ou plusieurs établissements, voire même d’un département entier dans les Alpes-Maritimes avec ses 27 structures et 700 participants ! Sans oublier l’organisation de résidences d’artistes en été dans le Var, les spectacles offerts par la FNADEPA Maine-et-Loire à tous les établissements du département avec son programme Cultur’Âge ; les marchés de Noël qui ont fleuri le mois dernier dans de très nombreuses structures…

Autant d’actions financées par des dotations, des sponsorings, des fonds publics, des fonds privés, voire des « fonds de tiroirs » !  Elles sont d’autant plus remarquables qu’elles reposent majoritairement sur l’énergie, l’imagination, la prise de risques et l’engagement passionné des directeurs et de leurs équipes que je tiens à chaleureusement remercier ici. Collectivement, ils parviennent à faire évoluer notre offre d’accompagnement, et ce, dans un contexte de graves déficits financiers et de pénurie de personnel quasi généralisés. Alors, imaginez ce qu’ils pourraient faire s’ils n’avaient pour seule limite que leur imagination et celle des résidents ? Si, comme 64 % de nos adhérents, ils ne manquaient pas de 2,7 ETP en moyenne par structures ? Si, comme 71 % de leurs collègues, ils ne prévoyaient pas de terminer l’année 2024 en déficit ? Quelle frustration insupportable alors qu’on veut juste faire mieux pour nos vieux et ceux qui les accompagnent au quotidien !

Nous ne sommes ni des surhommes ni des surfemmes. Et notre sens profond des responsabilités et notre engagement ont des limites. Sans une politique de l’autonomie robuste, une loi de programmation et des financements solides, nous ne saurons continuer à assurer un accompagnement digne à nos ainés. Et le rejet du PLFSS a fragilisé encore notre secteur dont la situation est déjà alarmante. Les déficits sont explosifs et les réserves s’épuisent. En septembre dernier, d’après une enquête FNADEPA, 1 établissement sur 2 n’avait plus de réserves de compensation suffisantes. Les directeurs doivent-ils s’habituer à geler des investissements, vivre sous perfusion ou grever la qualité d’accompagnement ? Vous connaissez la réponse : non, non et re-non ! Ce choix-là, nous ne saurons jamais l’accepter.

Sous l’impulsion de Paul Christophe, alors Ministre, ce PLFSS censuré était porteur de quelques moyens supplémentaires. Alors, qu’en sera-t-il des 6 % d’augmentation de l’OGD personnes âgées ? Et des 100 millions d’€ d’aide exceptionnelle pour les structures en très grande difficulté ? Certes, une goutte d’eau face à l’océan des besoins estimés à 1,4 milliard pour assainir la situation, mais une planche de salut qui avait le mérite d’exister ! Qu’adviendra-t-il des 100 millions d’€ destinés à financer la mobilité des aides à domicile ? Qu’en sera-t-il, enfin, des 6 500 créations de postes promises ? Car malgré toutes les technologies du monde et les intelligences artificielles, dans notre secteur, on ne peut faire sans bras, sans cœur et sans cerveau. Le Gouvernement a certes annoncé qu’il repartirait du texte issu de la Commission Mixte Paritaire, mais quelle garantie pouvons-nous avoir quant au maintien de ces mesures ? Quel paradoxe que celui qui nous conduit à espérer la concrétisation de mesures qui étaient pourtant largement insuffisantes pour faire face aux enjeux du vieillissement et garantir les conditions d’une grande réforme de l’accompagnement de nos Vieux d’aujourd’hui et de demain !

Mes chers amis,

Je vous le disais, nous vivons une période singulière. C’est sans aucun doute l’heure des choix et des prises de responsabilités. Les semaines et mois à venir vont être déterminants et vous pouvez être assurés que la FNADEPA agira avec la plus grande ténacité pour faire entendre votre voix, celle des équipes, et surtout, celle des personnes âgées pour qui nous œuvrons depuis tant d’années. Car si les gouvernements, le paysage médico-social, la FNADEPA et nos métiers évoluent, il est une constante : les personnes âgées sont et doivent rester la priorité de toutes nos actions et décisions. C’est pour eux et leur qualité de vie que nous nous engageons. En tant que directrice et directeur. En tant que militant d’une fédération qui, au printemps prochain, va célébrer ses 40 ans d’existence. Un âge dont nous pouvons être fiers — et je le suis infiniment. Notre réseau est parcouru de convictions profondes, d’un engagement partagé, de compétences et d’expertises reconnues. Malgré les difficultés, nous continuerons à proposer des solutions issues des expériences de terrain, à construire sans relâche des positions politiques innovantes et courageuses et à revendiquer avec force les moyens d’une réforme du Grand Age indispensable pour notre société tout entière.  Pour tout cela, mesdames et messieurs, pour votre engagement quotidien et pour votre capacité à ne jamais abandonner, un immense Merci !

Je remercie particulièrement Guillaume Marzocchi et toute l’équipe sans qui ce colloque n’aurait pas eu lieu et je salue le retour d’Annabelle Vêques qui a retrouvé sa place après quelques semaines d’absence.

Je remercie enfin les intervenants de ce 17e colloque national et Antoine Janbon qui va animer cette journée.

Bon 17ème colloque national à tous.

 

Jean-Pierre Riso
Président de la FNADEPA

Discours d’ouverture, Jean-Pierre Riso, président de la FNADEPA
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